Au Pakistan, la loi sur le blasphème frappe durement les minorités. Le destin tragique du chrétien Nabeel Masih en est l’un des visages.
Une enfance brisée par une accusation
En septembre 2016, Nabeel Masih, un adolescent chrétien de 16 ans vivant dans le Punjab au Pakistan, est arrêté après avoir été accusé d’avoir partagé sur Facebook une image jugée insultante de la Kaaba, lieu saint de l’islam. L’accusation, qu’il a toujours niée, fondée sur les articles 295 et 295-A du code pénal pakistanais, suffit pour l’envoyer en prison.
En mai 2018, il est condamné à dix ans de réclusion — devenant le plus jeune Pakistanais jamais condamné pour blasphème. Derrière les barreaux, il subit des violences, des menaces et un déni de soins médicaux. Durant sa détention, il développe plusieurs tumeurs bénignes (lipomes), particulièrement douloureuses, qui ne sont jamais traitées par l’administration pénitentiaire.
Après près de cinq années de détention, Nabeel obtient enfin une libération sous caution en mars 2021 grâce à l’action d’ONG et d’avocats courageux. Une fois libre, il subit plusieurs opérations pour retirer ces tumeurs et commence un apprentissage pour devenir coiffeur. Une nouvelle vie s’ouvre devant lui. Mais en juin 2025, il rechute : il est hospitalisé pour une hépatite E aiguë. Sa santé se dégrade rapidement et il meurt le 31 juillet 2025, à seulement 25 ans.

Nabell Masih sur son lit d’hôpital fin juillet 2025
Une loi qui tue
Au Pakistan, les lois contre le blasphème — héritées de la période coloniale mais renforcées dans les années 1980 — prévoient des peines extrêmement lourdes : prison à vie, voire la peine de mort, pour toute offense perçue envers l’islam, le Coran ou leur prophète Mahomet.
En théorie, elles visent toutes les religions. En pratique, elles sont utilisées de manière disproportionnée contre les minorités religieuses, en particulier les chrétiens. Une simple accusation, même infondée, suffit pour envoyer quelqu’un en prison pendant des années, souvent sans procès équitable. Les accusés risquent aussi les violences de la foule, parfois avant même que la justice n’ait tranché.
Dans le couloir de la mort
Le cas de Nabeel Masih n’est pas isolé. Actuellement, au moins 20 chrétiens sont emprisonnés au Pakistan pour blasphème, dont 9 dans le couloir de la mort.
L’affaire la plus médiatisée reste celle d’Asia Bibi, une mère de famille chrétienne accusée en 2009 après une altercation avec des voisines musulmanes. Condamnée à mort en 2010, elle passe presque dix ans en prison avant d’être acquittée par la Cour suprême en 2018, puis contrainte de fuir le pays sous la menace de mort.
Ces histoires ne sont pas des exceptions, mais les symptômes d’un système où une loi censée protéger la foi est devenue une arme contre les plus vulnérables.
Chez Jeunesse du Levant, nous croyons que défendre la dignité humaine passe aussi par briser le silence sur ces injustices.
