
Ce lundi de Pâques, le pape est mort et le monde a perdu un père, l’Église, un pasteur, les pauvres, un défenseur et les chrétiens d’Orient, un ami fidèle.
Le pape François s’est éteint à Rome, après plus d’une décennie de pontificat marqué par l’humilité, la miséricorde et une attention constante aux périphéries. Parmi celles-ci, les terres blessées du Proche-Orient ont occupé une place toute particulière dans son cœur. Pour les chrétiens d’Orient qui sont enracinés dans ces terres où le christianisme est né et où il continue de survivre malgré vents et marées, le départ de François n’est pas seulement la fin d’un pontificat. C’est la perte d’un père spirituel qui n’a cessé de tendre la main, de prier, de visiter, d’élever la voix.
« Je viens comme pèlerin de paix » – L’Irak gravé dans l’histoire
En mars 2021, alors que le monde se confinait encore, François a fait ce que personne n’osait : il est monté à bord d’un avion vers Bagdad. Il devenait ainsi le premier pape de l’histoire à fouler la terre d’Abraham, à embrasser un peuple meurtri par la guerre, le terrorisme et l’exil. Son voyage en Irak fut un acte prophétique.
À Qaraqosh, il a pleuré avec les chrétiens de la plaine de Ninive. À Mossoul, il s’est tenu devant les ruines d’églises et de mosquées détruites par Daech, et a prié pour les victimes. À Ur, il a réuni juifs, chrétiens et musulmans pour rappeler qu’ils étaient frères, fils d’une même promesse.
Ce voyage fut un baume. Un rappel que Rome n’a pas oublié ses enfants dispersés. Un témoignage aussi que l’unité des chrétiens n’est pas un luxe pour plus tard, mais une urgence pour maintenant.
L’étreinte du Caire et l’élan de Rome – Avec le pape Tawadros II
Dès 2013, quelques mois après son élection, François a tendu la main au pape copte orthodoxe Tawadros II. En 2017, à l’occasion du cinquantième anniversaire de la première rencontre entre leurs prédécesseurs, les deux papes se sont retrouvés au Caire. Un pas décisif a été amorcé : le pape François et le pape Tawadros II ont exprimé leur volonté commune, déclarant « que dans le même esprit et d’un même cœur, nous chercherons sincèrement à ne plus répéter le baptême qui a été administré dans nos respectives Églises pour toute personne qui souhaite rejoindre l’une ou l’autre ». Ce n’est pas encore une reconnaissance officielle, mais un engagement fort vers une pleine reconnaissance mutuelle. Un geste concret qui marque le début d’un chemin de réconciliation, et laisse entrevoir la possibilité de tourner la page sur des siècles de malentendus, de re-baptêmes et de divisions. Comme une cicatrice qui commence à se refermer.
« Nous ne sommes plus dans l’œcuménisme des paroles, mais dans celui des pas. » avait résumé François. Et ces pas, il les a faits avec foi.

Les 21 martyrs de Libye – Une reconnaissance historique
Ils s’appelaient Milad, Malak, Samuel, et 18 autres. En février 2015, ils furent égorgés sur une plage de Syrte par des jihadistes, pour une seule raison : ils étaient chrétiens. Coptes, travailleurs migrants, martyrs.
François les avait alors appelés « témoins du Christ, tués pour leur foi ». Mais en mai 2023, il est allé plus loin : il les a inscrits au martyrologe romain, le calendrier liturgique des saints de l’Église catholique. Un acte rare, bouleversant, qui signifie que désormais, les catholiques du monde entier peuvent les vénérer comme martyrs de la foi.
Un geste d’unité, mais aussi un cri de justice. Ces 21 ouvriers, pauvres et invisibles, sont devenus les colonnes de l’unité entre Rome et Alexandrie.
Gaza, Syrie, Liban – Présence et espérance dans la tempête
François n’a jamais été un pape des déclarations creuses. Il a toujours cherché la proximité.
À Gaza, enclave martyre, il a maintenu un lien fidèle avec la petite paroisse catholique, soutenant les prêtres et les sœurs présents au milieu des bombes. Il a envoyé des aides, demandé la paix, et même appelé directement les responsables ecclésiastiques sur place lors des pires bombardements.
En Syrie, il a dénoncé dès 2013 « la guerre des puissants sur le dos des innocents ». Il a jeûné, prié, pleuré. Il a soutenu les églises locales, envoyé des aides humanitaires par les canaux diplomatiques du Saint-Siège, et n’a jamais cessé d’appeler à une solution pacifique.
Quant au Liban, il en parlait comme d’un « pays-message », un exemple de coexistence à sauver à tout prix. Il rêvait d’y venir. Même si le voyage n’a pu se faire, son appel incessant à soutenir les Libanais, sa lettre bouleversante envoyée à tous les jeunes du pays en 2021, et les aides discrètes envoyées via les nonciatures ont laissé une empreinte durable.
Un pape oriental par le cœur
Le pape François n’a pas changé les géopolitiques. Il n’a pas mis fin aux persécutions. Mais il a gardé vivante la flamme de la mémoire, de la fraternité et de l’unité.
Il a donné une voix aux chrétiens d’Orient quand ils étaient oubliés. Il a marché avec eux, parlé d’eux, prié pour eux. Il a pleuré avec eux.
Aujourd’hui, il entre dans la lumière éternelle. Mais pour nous, il reste le pape qui a aimé l’Orient, non pas comme un touriste, mais comme un frère.
Repose en paix, François. Et merci.